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Revue Cygne noir 2017 : « Sémiotique et écologie », Cygne noir, no 5, 2017 | |||||||||||
Link: http://revuecygnenoir.org/ | |||||||||||
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Call For Papers | |||||||||||
Sémiotique et écologie
(Appel à contribution) Depuis quelques années, les cigognes blanches que l’on observe au Portugal, qui normalement migrent vers le sud l’hiver venu, se sont partiellement sédentarisées. Cet important changement dans leur comportement migratoire ne serait pas dû aux seuls changements climatiques ; on en impute la faute à la multiplication des décharges à ciel ouvert qui procurent à ces échassiers des ressources alimentaires abondantes moyennant peu d’efforts, les incitant ainsi à annuler leur voyage annuel[1]. Ce cas paradigmatique montre qu’une certaine forme de liberté interprétative de son environnement (Umwelt) joue en faveur ou en défaveur de l’animal dans l’établissement de comportements interactifs avec son milieu. Le cas des cigognes proposé présente aussi l’avantage d’être corrélé à une détérioration de leur milieu de vie résultant d’une dépréciation, de la part des sociétés humaines industrielles, de la richesse naturelle des milieux écologiques. Ainsi sont déployés les deux principaux volets de cet appel, qui propose d’étudier : 1) les schémas de relation des organismes à leur environnement (qu’il s’agisse d’humains ou d’autres espèces, ou encore de schémas de relations interspécifiques, comme c’est le cas le plus souvent dans l’étude des relations écologiques), leurs implications et leurs conséquences ; à travers 2) l’écosémiotique, ou l’étude du « rôle de la perception environnementale et de la catégorisation conceptuelle dans la modélisation, la construction et la transformation des structures environnementales[2] ». Cette approche est non limitative et non normative : il s’agit de montrer quelle sapience particulière le rapprochement des champs d’étude de la sémiotique et de l’écologie permet de développer, que ce soit pour l’analyse d’un cas, d’un objet ou d’un terrain précis, ou du point de vue de la correction des modèles d’analyse déjà existants dans les domaines de la sémiotique, de l’écologie ou ailleurs. Les dynamiques d’action des systèmes vivants, dont nous sommes, reposent sur le sens que ces systèmes produisent en manipulant des signes (émission, réception, interprétation) : leur schéma comportemental et développemental en dépend. L’écosémiotique propose d’étudier les écosystèmes en tant que systèmes sémiotiques de communication[3]. Tout système vivant répond d’une logique écosystémique, donc sémiotique : l’univers social humain comme l’humain lui-même ; le milieu animal comme l’animal en son sein. L’interdépendance de l’organisme avec son milieu force la reconnaissance des structures sur lesquelles repose leur relation. Ce schéma de relation correspond prioritairement à un modèle de communication d’ordre prélinguistique (biosémiotique). Or, chez l’humain, un système de modélisation supplémentaire – fait de codes culturels et de mémoire non génétique – se superpose, modèle que Juri Lotman a théorisé à travers le concept de sémiosphère[4]. La synthèse biosémiotique contemporaine repose sur la complémentarité des théories lotmaniennes et des recherches pionnières de Jakob von Uexküll sur l’Umwelt[5]. Pour Uexküll, l’existence d’un organisme présuppose l’existence de son environnement. Plus près de nous, le théoricien de la perception James J. Gibson reprend cette idée : « Aucun animal ne pourrait exister sans un environnement. De même, bien que cela soit moins évident, l’environnement est toujours environnement d’un animal (ou au moins d’un organisme)[6]. » Ce qu’on appelle la nature n’a d’existence signifiante qu’en tant qu’environnement. Ainsi, le pouvoir des signes tient à cela qu’ils sont tout à la fois naturels et culturels. Ils ne sont pas la propriété exclusive de l’espèce humaine. Restreindre l’activité signifiante à la sphère humaine correspond à un anthropocentrisme qu’on ne saurait trop dénoncer ; anthropocentrisme pourtant toujours dominant auquel on peut sans doute imputer une part de responsabilité quant à l’état présent de notre planète en cette ère que l’on commence à peine à nommer anthropocène[7]. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis qu’Ernst Haeckel a proposé, le premier, le terme d’écologie pour nommer « la science des relations des organismes avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d’existence[8]. » Peut-on, aujourd’hui, prendre la pleine mesure de cet énoncé et s’aviser d’analyser de manière critique les implications de l’interdépendance des organismes à leur milieu par les moyens que met à notre disposition la sémiotique? L’écologie sémiotique doit pouvoir rendre compte non plus seulement de « la vie des signes au sein de la vie sociale[9] », mais aussi bien des interactions naturelles en ce monde « perfusé de signes, sinon composé exclusivement de signes[10] ». L’écosémiotique, la biosémiotique, l’éthosémiotique, la zoosémiotique ou encore la phytosémiotique, qui sont autant de branches de la sémiotique générale[11], proposent (de manière complémentaire) des voies d’approfondissement de notre compréhension des mécanismes de la sémiose, conçue comme un continuum dynamique et évolutif de la signification supportant la vie elle-même[12], lespopulations et leur activité, dont, à un extrême du spectre, la culture humaine[13]. Une critique fondée sur des principes écosémiotiques permettrait-elle d’enrichir l’écologie politique – nourrie peut-être autant d’écosophie[14], d’écocritique[15] que d’écoféminisme[16] – dont on ne saurait plus se passer désormais? Nous sollicitons des propositions qui sachent tirer profit de cette thématique afin d’approfondir des aspects théoriques de la pensée sur le signe et l’histoire de son développement et/ou qui proposent l’abord sémiotique de tout objet lié à la problématique exposée ci-avant. Les propositions favorisées 1) contribueront à l’avancement des études sémiotiques ou des disciplines connexes en vertu d’une approche sémiotique ; 2) seront à jour en ce qui a trait aux théories, méthodes et données ; 3) feront la démonstration d’une compréhension – et référeront à – des travaux existants dans le domaine traité. Celles-ci pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des champs suivants : la sémiotique théorique (épistémologie, études culturelles, sémiotique cognitive, biosémiotique, etc.), la sémiotique appliquée (arts, médias, rhétorique, religions, urbanisme, traduction, éducation, etc.), et peuvent également préconiser une approche in-ter-trans-disciplinaire (anthropologie, philosophie, sociologie, psychologie, esthétique, linguistique, communication, etc.). Pour le comité de sélection, l’originalité attendue d’une proposition n’a de limite que sa pertinence. —————————————— [1]. N. GILBERT et al., « Are white storks addicted to junk food? Impacts of landfill use on the movement and behaviour of resident white storks (Ciconia ciconia) from a partially migratory population », Mouvement Ecology, vol. 4, no 7. En ligne : (movementecologyjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40462-016-0070-0). [2]. T. MARAN & K. KULL, « Ecosemiotics: main principles and current developments », Geografiska Annaler: Series B, Human Geography, vol. 96, no 1, p. 41-50, spec. 41. [3]. Winfried Nöth aurait, le premier, proposé et défini le terme « écosémiotique », cf. W. NÖTH, « Ecosemiotics », Sign Systems Studies, vol. 26, 1998, p. 332-343 ; « Ecosemiotics and the semiotics of nature », Sign Systems Studies, vol. 29, no 1, 2001, p. 71-82. [4]. J. LOTMAN, « On the semiosphere », trad. du russe par W. Clark, Sign System Studies, vol. 33, no 1, 2005, p. 205-229. [5]. J. von UEXKÜLL, Milieu animal et milieu humain, trad. de l’allemand et annoté par C. Martin-Freville, Paris, Payot & Rivages, 2010 [1934]. [6]. J. J. GIBSON, Approche écologique de la perception visuelle, trad. de l’américain et introduit par O. Putois, Paris, Éditions Dehors, 2014 [1979], p. 52. [7]. P. J. CRUTZEN & E. F. STOERMER, « The “Anthropocene” », Global Change Newsletter, IGBP, no 41, 2000, p. 17-18. Disponible en ligne : (http://www.igbp.net/download/18.316f18321323470177580001401/1376383088452/NL41.pdf). [8]. E. HAECKEL, Morphologie générale des organismes, 1866. [9]. F. de SAUSSURE, Cours de linguistique générale, première publication par C. Bailly, A. Séchehaye & A. Riedlinger en 1916, éd. critique par T. de Mauro, Paris, Payot & Rivages, 1995 [1967], p. 33. [10]. C. S. PEIRCE, The Collected Papers, 5.448, note de bas de page tirée de « The Basis of Pragmaticism » (1906). [11]. Pour une histoire du développement de l’écosémiotique, cf. K. KULL, « Semiotic ecology : different natures in the semiosphere », Sign Systems Studies, vol. 26, no 1, 1998, p. 344-371. [12]. J. HOFFMEYER, Biosemiotics. An Examination into the Signs of Life and the Life of Signs, trad. du danois par J. Hoffmeyer & D. Favareau, Scranton, University of Scranton Press, 2008. [13]. W. WHEELER, The Whole Creature. Complexity, Biosemiotics and the Evolution of Culture, Londres, Lawrence & Wishart, 2006. [14]. A. NÆSS, Écologie, communauté et style de vie, trad. de l’américain et introduction par C. Ruelle, trad. de la deuxième éd. française intégralement révisée et postface par H.‑S. Afeissa, Paris, Éditions Dehors, 2013 [1989] ; F. GUATTARI, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989 ; F. GUATTARI, Qu’est-ce que l’écosophie ? S. Nadaud (éd.), Paris, Lignes & IMEC, 2013. [15].T. SHEWRY, C. GLOTFELTY & H. FROMM, The ecocriticism reader : landmarks in literary ecology, Athens, University of Georgia Press, 1996. [16]. G. GAARD, « New Directions for Ecofeminism: Toward a More Feminist Ecocriticism », Interdisciplinary Studies in Literature and Environment, vol. 17, no 4, 2010. Lire l'appel au complet: http://revuecygnenoir.org/contenu/appel-a-contribution Candidatures Les propositions seront reçues par courrier électronique à l’adresse de la revue redaction@revuecygnenoir.org au plus tard le 1er juin 2016. Veuillez indiquer en objet de votre message : « Proposition : sémiotique et écologie ». Votre proposition doit comporter : 1. un titre et un court résumé (500 mots maximum) ; 2. une courte notice biographique (250 mots maximum) incluant les informations suivantes : votre nom complet, votre statut, votre établissement de rattachement et votre département (s’il y a lieu) ainsi que vos coordonnées (adresse courriel au minimum). Calendrier Les propositions (titre et court résumé) seront reçues avant le 1er juin 2016. L’acceptation des contributions sera notifiée au plus tard le 15 juin 2016. Le texte de l’article, déposé aux fins de l’évaluation, sera reçu avant le 1er septembre 2016. La publication est prévue pour mars 2017. *** Cygne noir, revue d’exploration sémiotique is a blind peer-reviewed journal based in Montreal, Canada (UQAM). Once a year, according to a specific thematic, the journal publishes a collection of scientific articles in french on semiotics-related subjects. |
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